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de l’universelle anarchie ? À moins de supposer un Dieu altéré de sang, qui a voulu la guerre pour la guerre, et qui se joue de nos douleurs ? Il le semble, et cependant, à y réfléchir mieux, est-ce que le fait seul que la lutte est possible n’atteste pas une commune origine ? Est-ce que ce qui rend possibles la conquête, l’appropriation, l’assimilation de certains éléments par un seul d’entre eux, ce qui permet à celui-ci de rayonner dans les autres par la transmission de sa forme de mouvement ou de pensée, ce n’est pas une certaine ressemblance préexistante et innée, d’où provient leur sympathie, leur antipathie même ? La sympathie des éléments, qui fait leur sociabilité, n’est pas moins universelle ni moins profonde que leur ambition ; et d’où peut-elle naître, si ce n’est d’une âme de bonté inhérente à la Puissance unique qui se serait morcelée en elles et pulvérisée, on ne sait pourquoi ni comment, pour se diversifier peut-être ? Mais comment et pourquoi de cette Bonté la férocité des combats est-elle éclose ?


En présence d’une telle antinomie, que je ne me charge pas de résoudre, on s’explique la solution désespérée de Hegel dogmatisant l’absurdité et la proclamant raison supérieure. Et, certes, il y a quelque chose de terriblement vrai au fond de la dialectique hégélienne. Je ne puis lui accorder, pourtant, qu’il soit dans la nature de toute idée qui s’affirme, de toute volonté qui s’exprime, de susciter une idée, une volonté diamétralement contraire. Ce serait dire, par exemple, que la contre-imitation, phénomène en somme exceptionnel et secondaire, doit être mise socialement sur le même rang que l’imitation ; ce qui est manifestement faux. On ne saurait