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civilisateurs par excellence, la Presse et les autres moyens de communication, qui opèrent cette conversion des conflits d’individus en conflits de masses, cette multiplication et non pas seulement cette addition des passions ou des convictions individuelles en lutte ? À coup sûr, il ne peut pas être question, pour prévenir les conflits belliqueux, de bâillonner la Presse ou d’arrêter les chemins de fer ; car, si ces grands procédés de concentration et de vulgarisation magnifient quelquefois le duel logique, ils ont pour résultat plus souvent encore de magnifier l’hymen logique, de le convertir en associations de tous genres, en alliances, en fédérations. Ce dont on a le droit de s’étonner, c’est que les agents de l’assimilation imitative des classes et des peuples, qui est éminemment pacifiante, soient aussi les ouvriers de leur opposition belliqueuse. Lié au nivellement des mœurs et à la culture de la sociabilité, comment le développement de la conscience collective peut-il être une cause de guerres ?

Il devrait être, c’est certain, une cause de paix, en faisant sentir de mieux en mieux que le degré de violence généralisée des querelles ne se proportionne pas à leur importance véritable, que les plus sanglantes sont souvent, comme la guerre de Trente ans, les moins importantes, et que les plus importantes même, d’ordre moral, savent fort bien se résoudre et s’apaiser sans combats. Et, de fait, ce sentiment de l’inutile barbarie des batailles envahit de plus en plus profondément tous les cœurs pendant que tous les bras s’arment. Comment donc et pourquoi s’arment-ils ? Parce que l’explication que je viens de donner plus haut de la guerre, à vrai dire, est incomplète :