préfets de nos jours ne se disputent plus les affaires administratives, ni les prélats et les abbés les affaires ecclésiastiques ; autrefois, c’était là l’occupation habituelle des intendants et des évêques.
Ainsi, en ce qui concerne les fonctions directement publiques, le progrès est allé d’un régime de rivalité confuse à un régime de délimitation précise et de solidarité sentie. En sera-t-il de même des professions quelconques ? Dans une certaine mesure, — car c’est ici une question de mesure avant tout, — oui, je le crois. À première vue, on pourrait penser le contraire, en songeant aux corporations de l’Ancien Régime suivies d’une ère de concurrence industrielle. Mais, en réalité, la suppression des corporations anciennes a été une révolution qui a non pas complété, mais supprimé une évolution depuis longtemps parvenue à son terme, et inauguré une nouvelle évolution. Or celle-ci, à y regarder de près, est le recommencement de la première, et les deux sont conformes à notre point de vue. Les corporations avaient été précédées par une coexistence anarchique d’ateliers ennemis, dans chaque industrie d’une même ville ; et, si le régime corporatif, des le Haut Moyen Âge, s’est répandu partout, c’est que les avantages qu’il présentait, l’esprit d’union relative qu’il faisait régner entre les membres de chaque corps, — je ne dis pas, certes, entre les divers corps[1], — avaient été évidents pour tous. Maintenant, retombés en anarchie, les ouvriers de
- ↑ Les procès d’ancien régime entre corporations différentes pour se disputer du travail ne sont pas comparables aux conflits des juges de divers ordres qui se disputaient les affaires. Ces luttes judiciaires étaient des guerres civiles ; les autres étaient des guerres extérieures ; et c’est précisément apaisement des troubles civils qui rend possible la guerre contre l’étranger.