Tous les métiers sont, en un sens, des fonctions publiques ; et toutes les fonctions publiques, en un autre sens, — en tant que chaque exercice de leurs pouvoirs rend service à des particuliers déterminés, — sont des fonctions privées. La seule différence qu’il y ait entre les fonctions dites publiques et les autres professions, c’est que le caractère d’utilité générale inhérent aux premières est plus direct ou plus visible. Mais, peu à peu, à mesure qu’ils se syndiquent, les membres de la plus humble des professions prennent conscience de ce qu’il y a d’indirectement ou d’éventuellement utile à tous dans l’accomplissement de leur besogne. Dès lors, ils aspirent, sinon à grossir précisément les rangs déjà si encombrés des fonctionnaires, du moins à être respectés comme ceux-ci et réglementés à leur tour. Le premier effet de cette conscience qu’ils prennent de leur valeur sociale, c’est qu’ils tendent à amoindrir la concurrence qu’ils se font entre eux, comme se la faisaient jadis les fonctionnaires publics eux-mêmes. En effet, ces juges de tout ordre, civils, commerciaux, administratifs, criminels, dont les attributions et les juridictions sont aujourd’hui si parfaitement réglées, malgré quelques rares conflits, ont passé, sous l’Ancien Régime, une notable partie de leur vie judiciaire à se batailler, à se disputer les procès. Et il se trouvait, je n’en doute pas, des magistrats persuadés que ces disputes, voire même celles de préséance, étaient nécessaires à l’activité des parlements et des cours, faisaient partie intégrante de leurs libertés les plus précieuses. Plus on remonte vers le Moyen Âge, plus on voit se multiplier ces rivalités interminables ; et il en est de même des rapports entre les employés de n’importe quelle administration. Les