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et de ces deux caractères, le premier l’emporte de beaucoup sur le second[1]. Les fonds de ces sociétés ont été employés toujours jusqu’à concurrence des trois quarts pour la partie philanthropique de leur institution. En second lieu, les Trade-Unions procèdent historiquement, d’après M. Howell, des associations ouvrières du Moyen Âge, Town-Guilds, Marchant Guilds ; car leur apparition brusque, dès le lendemain de la loi de 1824 qui les autorisa, ne doit pas faire illusion. Elles préexistaient à cette loi, mais en se cachant. Or les anciennes guildes étaient, avant tout, on le sait, des confréries, des sociétés de paix plus que de combat, ou, du moins, de défense bien plus que d’attaque.

Bastiat n’a point tort de dire que tous les dons naturels, tous les avantages locaux, tous les privilèges artificiels eux-mêmes, tendent en somme, malgré des obstacles évidents, à devenir gratuits et communs après avoir été longtemps coûteux et monopolisés. Mais c’est un paradoxe d’attribuer ce résultat à la mêlée des égoïsmes. Il est dû à l’imitation, née de l’instinctive sympathie qui rend l’homme sociable. Le fait seul que le désir d’un genre de consommation, hier luxueux, demain vulgaire, descend imitativement, sympathiquement à vrai dire, dans des couches de la nation de moins en moins fortunées et de plus en plus nombreuses, a cette conséquence que le producteur de cet article, fût-il même monopoleur, baissera peu à peu ses prix, car il y aura intérêt. À l’inverse, tant que le désir d’un produit de luxe restera

  1. Voir à ce sujet le grand Traité d’économie politique si riche de documents et d’idées, de M. Paul Leroy-Beaulieu (notamment t. II, pp. 416 et 425).— Voir aussi pp. 411 et 412.