Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/389

Cette page n’a pas encore été corrigée

aussi tenir grand compte de la diffusion imitative, dans le public consommateur, du besoin spécial auquel cette invention répond. Si, après l’invention de la locomotive, le désir de monter en wagon ne s’était pas répandu et généralisé, comme le supposait M. Thiers, à quoi eût servi aux constructeurs de locomotives de s’entre-ruiner en se faisant concurrence, et au public d’assister au spectacle de cette mutuelle destruction ? Ou bien dira-t-on que c’est cette concurrence même qui a causé la propagation de ce besoin ? Mais l’on sait bien qu’il n’en est rien, que cette invention a été monopolisée à peu près partout dès ses débuts et que, presque en tout pays, la construction des chemins de fer a été précédée par une fièvre, par une frénésie de ce genre de locomotion. L’exemple choisi est bien propre à faire voir comment le bénéfice d’une invention, sans nulle concurrence, se socialise. Ainsi, sans l’imitation, et d’abord sans l’invention imitée, la concurrence est impuissante ou malfaisante, tandis que, même sans concurrence, l’invention et l’imitation sont toutes-puissantes et, finalement, bienfaisantes.

Qu’on me cite un véritable progrès industriel qui aurait été la conséquence d’une grève. Cependant, si la concurrence a l’efficacité inventive qu’on lui prête, la grève, qui est une des grandes formes collectives de la concurrence dans le sens large du mot, devrait participer à cette fécondité. Mais ce n’est pas l’avis des apologistes de la concurrence qui, par une inconséquence à noter, dénigrent fort la grève, et, tout en reconnaissant qu’elle est un droit, lui imputent des pertes le plus souvent sans profit. Tout ce qu’on peut leur accorder, c’est que les grèves, comme la concurrence en général, ont