Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/387

Cette page n’a pas encore été corrigée

XI

Mais cette courte démonstration d’une thèse si importante ne saurait suffire. J’ai besoin d’y revenir sur deux points particulièrement intéressants : la concurrence et la guerre. La concurrence d’abord.

La concurrence est le choc des intérêts ; par elle-même elle est donc un démenti donné à cette harmonie naturelle des intérêts que proclame l’école de Bestiat. On peut, par suite, s’étonner de voir ces économistes louer à la fois cet accord et le choc qui la contredit. Une seule considération, indiquée par Lange, dans son chapitre intitule, La dogmatique de l’égoïsme, pourrait sembler de nature à concilier ces deux points de vue. Il serait très possible, dit-il, que, compensation faite de la perte de force résultant des cas où les intérêts se heurtent et du gain de force obtenu par leurs accords, le gain fût supérieur à la perte. Mais, s’il en était ainsi - et Lange montre le contraire - la concurrence n’en demeurerait pas moins un mal, seulement compensé par un plus grand bien[1]. C’est d’ailleurs une concession que Bastiat

  1. Dans le même chapitre, le sagace critique examine curieusement l’hypothèse où le progrès moral de l’avenir, conforme aux vœux des économistes classiques, consisterait à « refouler les instincts qui nous portent à nous dévouer pour le prochain » et où l’homme trouvera la force nécessaire « à cette victoire sur soi-même » dans la considération du mécanisme universel « dont l’harmonie serait troublée si nous suivions les élans du cœur que l’on avait coutume de louer jadis comme des actes nobles, désintéressés, magnanimes ». La sympathie serait alors le « péché originel » à effacer par le baptême de cette morale de l’égoïsme purifié de tout sentiment étranger. — Les économistes répondent à cela qu’on les a mai compris, et c’est possible ; mais la vérité