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cette idée plus haute, les luttes des partis et les révolutions sont nées d’elle plutôt et auraient pu n’en pas naître : elle est née, elle, d’hommes supérieurs qui l’ont lancée dans les esprits où, imitativement, elle a fait son chemin longtemps avant d’éclater en émeutes. Si sa propagation a été marquée par une série de duels logiques engagés et résolus, il n’est pas vrai que ceux-ci, tout psychologiques et individuels, devaient nécessairement se transformer en combats de rues. La diffusion de l’idée pouvait s’opérer aussi bien et plus sûrement sans cette transformation qui souvent l’a entravée, et cette diffusion importait seule à l’amélioration dont il s’agit.

Une industrie progresse quand un inventeur petit ou grand y ajoute un procédé nouveau ou le substitue a un procédé ancien mais moins perfectionné, et c’est une grande erreur de penser - je le montrerai tout à l’heure - que la concurrence est la condition indispensable, ou même habituelle, de ces inventions. Les grandes évolutions ou révolutions de l’industrie humaine sont marquées par certaines inventions capitales, telles que celle de la charrue - qui n’a pas jailli certainement de la concurrence des agriculteurs primitifs, — du moulin à eau, — du métier à tisser, — de la machine à vapeur, que le génie de Papin et de Watt explique seul, et non la cupidité des maîtres de forge, etc. -Est-il nécessaire de dire qu’un art progresse, non quand les écoles se disputent, mais quand des œuvres géniales surgissent entre les combattants, et en dehors d’eux, révélant de nouveaux modèles à imiter et diversifier, et propres, comme les anciens modèles classiques auxquels ils s’ajoutent, à produire sous un nouveau jour le génie de la nation.