oublier une qu’on possède déjà et à s’en dessaisir en faveur d’autrui, alors on serait forcé d’inventer un mètre social de la vérité, de la crédibilité générale des idées, comme on en a imaginé un de l’utilité, de la désirabilité générale des produits.
C’est donc en raison de son caractère éminemment libéral, de sa supériorité évidente, que la Vérité, au sens où je l’entends, a été déchue du rang sociologique qui lui appartient, et qu’elle a joué dans les essais de construction de la science sociale un rôle si inférieur à celui de la valeur. Il ne s’est trouve personne, en effet, pour essayer de bâtir sur elle la sociologie tout entière, après que tant d’économistes ont cru pouvoir universaliser la notion de Valeur ou de Richesse, et systématiser sur ce seul fondement la science sociale, au risque de mutiler l’esprit humain. Pourtant il eut été facile de voir, malgré l’absence d’une monnaie spirituelle acceptée par tous, qu’il est permis d’embrasser sous un point de vue commun, de totaliser les connaissances quelconques des hommes, leurs idées les plus hétérogènes, religieuses, linguistiques, juridiques, scientifiques ou autres, envisagées par leur côté-croyance, et que cette synthèse est tout aussi légitime que celle des satisfactions quelconques du désir humain, alimentaires, amoureuses, luxueuses, militaires, industrielles, etc., considérées par leur côté-désir. Il est fâcheux qu’on ait négligé la première de ces deux généralisations et totalisations diversement utiles : elle eût pu suggérer des observations intéressantes, celle-ci, par exemple, que la part proportionnelle de la Vérité totale représentée par les divers grands domaines de l’activité mentale, langue, religion, sciences,