devient donc de plus en plus aisé de les détourner de leur voie soi-disant « tracée d’avance ». Mais hâtons-nous de fermer cette parenthèse.
— Stuart Mill paraît croire, dans sa Logique, que la sociologie n’a à choisir qu’entre deux hypothèses fondamentales : celle d’un changement circulaire, périodique, des sociétés, revenant sur lui-même à la façon des ricorsi de Vico, et celle d’une trajectoire en quelque sorte hyperbolique ou parabolique des phénomènes sociaux, conformément à l’idée du Progrès indéfini esquissée par Condorcet, développée par Auguste Comte. Mais il y a d’autres conceptions possibles. La seconde suppose arbitrairement qu’une seule Évolution sociale existe, formée par l’ensemble de toutes les sociétés, qui jouent ou aspirent à jouer chacune un rôle dans ce grand Drame, dans cet unique et immense Mystère. On peut croire à la multiplicité, à la variété, à l’indépendance des tragédies historiques jouées ou jouables. On peut, d’autre part, tout en rejetant l’idée du Progrès indéfini, soit unique, soit multiple, ne pas accepter celle d’un cycle réversible des faits sociaux. Rien n’interdit de conjecturer que, par des chemins parallèles ou divergents, semblables ou dissemblables, les sociétés tendent, non à un état adulte suivi d’une période fatale de vieillesse et de mort, inverse de leur naissance et de leur croissance, mais bien à un équilibre mobile et susceptible en soi de durer et de varier indéfiniment, quoique, en fait, il périsse le plus souvent de mort violente, et même doive toujours, un jour ou l’autre, rencontrer un obstacle majeur à la prolongation de sa durée. Aussi, le point de vue de Mill demande a