un épiphénomène, une superfétation des phénomènes physiologiques, dont le sentir et le vouloir ne seraient que la traduction pure et simple.
Or cette comparaison même est trop avantageuse aux sociologues dont il s’agit. Car, en réalité, il est très vrai que la conscience et la volonté sont, en un sens, de simples moyens d’expression et de concentration puissante des énergies vitales, sans lesquelles elles ne seraient rien ; mais les grands hommes seraient quelque chose, ils seraient même tout ce qu’ils sont, individuellement, sans l’appui et l’écho de la société, quoique, dans ce cas, ils fussent réduits à l’impuissance d’agir.
Aussi faut-il louer Stuart Mill, entre autres marques qu’il a données de sa supériorité pénétrante, d’avoir prêté sa ferme et forte adhésion à la thèse de l’efficacité éminente des grands hommes. Il critique à cet égard Macaulay. Et, de fait, on peut s’étonner qu’un historien, un historien anglais surtout, ait pu méconnaître le fait d’initiatives tout individuelles ayant eu sur le développement social une influence prolongée et toujours croissante. Il n’en est peut-être pas de meilleur exemple historique que l’entreprise de Guillaume le Conquérant. Quelle raison a-t-on de penser que, si Guillaume n’eût pas songé à conquérir l’Angleterre, ce projet eût été repris plus tard et exécuté ? Pas la moindre. Mais, dans cette hypothèse, que devient l’histoire d’Angleterre ? Que devient l’empire britannique de nos jours, le déluge anglais à la surface de la planète ?
Stuart Mill, cependant, me semble s’être abusé sur un point : il estime que, plus la civilisation progresse, et plus