sont produits. Mais, je vous prie, qu’est-ce que les causes générales elles-mêmes, si ce n’est des groupes et des amas de causes individuelles ? Qu’est-ce que « l’esprit d’une époque » ou « le génie d’un peuple », si ce n’est l’ensemble des idées et des tendances inhérentes à chacun des individus qui vivent à cette époque, qui composent ce peuple ? On doit donc opposer non pas les causes générales aux causes individuelles, mais les causes individuelles isolées, ut singulæ, aux causes individuelles rassemblées, groupées, agissant en masse. Seulement, en postulant ce groupement, on ne s’aperçoit pas qu’on élude la question majeure et préalable, qui est de savoir comment il s’est formé, comment cette similitude de tant d’individus divers, sous des rapports si particuliers d’idées et de besoins, s’est produite en tel siècle et en telle nation, non ailleurs ni en d’autres temps. Et c’est à cette question que je me suis surtout efforcé de répondre.
Or cette réponse montre la part prépondérante et nécessaire qui appartient aux inventeurs, aux initiateurs, aux novateurs, — lesquels ne sont pas toujours de grands hommes, il est vrai, mais le sont assez souvent, — dans la production de ces similitudes précises, caractéristiques, vraiment sociales, dues à l’imitation. Ceux qui nient en cela l’influence efficace des grands hommes, ceux qui les considèrent comme une simple expression inerte et passive des besoins et des idées de leur milieu (comme si l’existence de ces besoins et de ces idées généralises dans ce milieu pouvait se comprendre autrement que par une accumulation de grandes initiatives dans le passé) peuvent être compares aux psychologues qui regardent la conscience et la volonté comme