l’opposition à la variation. L’ordre, en effet, la conservation sociale, provient souvent d’un balancement ou d’un équilibre de tendances contraires, d’où résulte la constance des moyennes statistiques ; le progrès, au contraire, l’accumulation des initiatives réussies et d’accord entre elles, a pour cause une série de forces dissymétriques. Une remarque très juste et très profonde de Stuart Mill me semble venir à l’appui de cette vue. « Quoique, dit-il dans sa logique, les variétés de caractères existant entre les individus ordinaires se neutralisent réciproquement, quand on les considère sur une vaste échelle, les individualités hors ligne ne se neutralisent pas. On n’a pas vu un autre Thémistocle, un autre Luther, un autre Jules César, ayant avec des facultés égales des dispositions contraires, contrebalancer exactement les Thémistocle, les Luther, les César antérieurs et les empêcher de produire un effet permanent. »
Entendons-nous bien sur ce point, car l’observation de Mill exige un petit commentaire qui la rectifie. S’il n’est pas vrai qu’il apparaisse des anti-César et des anti-Luther, il ne l’est pas davantage qu’il y ait des anti-Pierre ou des anti-Paul quelconques ; jamais le contraire d’un individu, pris dans son ensemble caractéristique, ne se réalise. Ce qui se produit, c’est le contraire de chacun des traits particuliers et élémentaires dont se compose une personne individuelle : si ce caractère diffère en plus de la moyenne de la race, on peut être sûr qu’un autre individu présente le même caractère en moins : à tel excès de taille, de mémoire, de volonté, etc., s’oppose tel défaut correspondant. Et il en est des plus grands hommes à cet égard comme des plus petits. Seulement, et c’est une différence très importante, tandis que les variétés symétriquement opposées des individus ordinaires, imitatifs, présentant de faibles différences en plus et en moins, s’écartant peu de