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aussi essentiellement irréversible qu’essentiellement pittoresque et variable. Il ne faut donc pas s’étonner si les séries économiques qui en dérivent offrent au même degré, malgré des rétrogradations de détail, les mêmes caractères d’irréversibilité et de variabilité essentielles[1].

Encore ici faut-il faire des distinctions, car la série des découvertes et des inventions est de deux sortes : une accumulation ou une substitution. La série historique des théorèmes de géométrie, du premier au dernier, du plus simple au plus complique, est leur accumulation graduelle ; la série des systèmes de philosophie ou des hypothèses de l’ancienne chimie, ou des cultes religieux, est la substitution des uns aux autres. On peut regarder une machine moderne, telle que la locomotive, comme accumulant et synthétisant en elle des machines plus simples et successivement apparues dans le passé : la machine à vapeur, la voiture suspendue, le char, le rail, le piston, la roue, etc. Elle ne s’est pas substituée à ces antiques inventions, elle s’y est ajoutée. Il se peut donc fort bien que celles-ci lui survivent si elle vient à n’être plus fabriquée, ce qui ne veut pas dire qu’elles lui auront succédé. On aurait beau dans l’avenir faire en voiture suspendue, puis en char ou en charrette même, les grands voyages qui s’exécutent maintenant en chemin de fer, il n’y aurait pas là à proprement parler réversion. Mais une machine

  1. Aussi ne sont-elles irréversibles que dans la mesure où elles dépendent delà logique des inventions. D’ailleurs, je ne vois aucune difficulté à admettre que la civilisation, au point de vue économique comme à tout autre égard, après avoir marché du sud au nord et de l’est à l’ouest, redescende du nord au sud, comme elle commence à le faire déjà, et revienne à son berceau oriental.