mouvement dans l’espace. L’acte par lequel nous nous approprions exclusivement nos sensations de plaisir et de douleur est intellectuellement de même nature que celui par lequel nous attribuons à une figure telle possibilité de sensations tactiles ou musculaires ; ou plutôt les appropriations multiples, d’où résultent à la longue nos idées abstraites de plaisir et de douleur sont précisément le pendant des localisations multiples d’où se dégagent nos idées d’étendue, de poids, de mouvement, toutes nos notions physiques. Mais, s’il en est ainsi, on pourrait s’étonner que les deux groupes de notions élaborées par des actes de l’esprit si semblables n’eussent aucune similitude entre eux. Et quelle similitude établir entre le plaisir et la douleur d’une part, l’espace ou le mouvement de l’autre ? Il y en a une pourtant, c’est que le plaisir et la douleur, aussi bien que l’étendue, le poids, la vitesse, nous paraissent susceptibles de degrés indéfinis et plus ou moins exactement mesurables. Leur ressemblance apparaîtra mieux si nous rapprochons de l’espace, par exemple, un terme qui joue relativement aux biens le même rôle que l’espace relativement aux corps, la valeur. L’idée d’espace naît de la comparaison des divers corps comme l’idée de valeur naît de la comparaison des divers genres de plaisirs et de maux, et il y a une science, l’économie politique, qui consiste à développer tout le contenu de l’idée de valeur comme la géométrie à déployer tout le contenu de la notion d’espace. À chaque direction dans l’espace s’oppose une direction inverse ; à chaque espèce de plaisir s’oppose une espèce de douleur ; et les variétés d’agréments ou de désagréments ne sont pas moins innombrables que celles des directions
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