celle qui convenait ou souriait le mieux à son humeur rêveuse ou pratique, à son besoin de plénitude ou de perfection, de grandeur indéfinissable ou de solidité précise, et, en l’exprimant à sa manière, y a imprimé sa teinte spéciale.
Mais laissons là les antinomies encore une fois, puisque nous n’avons pas le temps de nous attarder à cette question, et descendons à des considérations beaucoup plus modestes.
J’accorde volontiers à M. Renouvier que l’opposition ordinaire du sujet et de l’objet, du moi et du non-moi, est un écueil dangereux de la spéculation qui, mettant un seul être vis-à-vis de tous les autres, comme s’il suffisait à les équilibrer tous, a contribué à susciter la chimère de l’idéalisme subjectif. Mais, quoique l’objet et le sujet ne s’opposent pas[1], objectiver et subjectiver constituent certainement une opposition véritable et fondamentale. Ces deux opérations, l’une extériorisante, l’autre intériorisante, sont contraires comme la nutrition et la génération considérées à ce point de vue. On me demandera où est l’état zéro entre objectiver et subjectiver. Mais n’est-ce pas l’état de la pensée embryonnaire qui n’objective encore ni ne subjective ; et, dans nos moments de rêverie, ne traversons-nous pas souvent un état pareil ? Il y a, du reste, des degrés de sujectivation et d’objectivation, une subjectivation maxima qui est la souffrance aiguë jugée nôtre éminemment, et une objectivation maxima, qui est la perception nette d’une forme ou d’un
- ↑ On peut dire qu’ils s’opposent vaguement, au début de la vie mentale, chez les enfants et les sauvages, qui se projettent eux-mêmes en tout objet extérieur par la personnification universelle et continue, origine de l’animisme et du fétichisme. Mais le progrès de la pensée a pour effet de rendre l’objet de plus en plus dissemblable au sujet.