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jamais des associations de contraires : ils combinent des traits différents, non opposés. C’est le propre de la folie d’introduire en nous la contradiction, non pas seulement celle, inconsciente et accidentelle, d’idées ou de desseins accueillis à la légère, mais celle, bien autrement grave, de systèmes d’idées et de groupes de tendances incompatibles. Telle est l’alternance rythmique de deux personnalités, si bien étudiée de nos jours, ou la folie circulaire qui fait passer tour à tour le malade à travers toutes les phases de la dépression et de l’excitation successives « inverses l’une de l’autre trait pour trait » (Ribot). Mais ce transport alternatif d’un pôle à l’autre de l’âme est si contraire à la nature des choses qu’il finit toujours par se résoudre en une fixation définitive de l’esprit délirant à l’un des deux.

Ce que j’ai dit des caractères normaux individuels, on peut le dire aussi bien des caractères ethniques ; car les nations, comme les individus, ont leur caractère propre et leur nature d’esprit particulière, sur lesquels il est inutile de s’étendre après tant de dissertations récentes sur la psychologie des peuples. Disons seulement qu’à ce nouveau sujet s’adapteraient sans peine bien des considérations émises plus haut. N’est-ce pas surtout par leur manière de croire, étroite et tenace, ou large et agile, que l’Hébreu diffère du Grec, ou l’égyptien du Persan ? Et n’est-ce pas surtout par leur manière de désirer, encore plus que de sentir, que l’Anglais diffère du Français, ou l’Allemand de l’Italien ? Chaque peuple a sa vocation et son talent spécial, et, par ce côté, sert de modèle aux autre peuples ; mais, considérés dans l’ensemble de leur activité, les peuples sont initiateurs-nés ou imitateurs-