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nous l’avons dit ailleurs[1], est un duel de syllogisme téléologique dont les conclusions se contredisent, et dont celle qui est la plus riche de désir et de foi à la victoire. Mais nous délibérons rarement avec nous-mêmes ou avec les autres, et le plus souvent nous agissons sans résistance intérieure ou extérieure, cédant aux sollicitations de notre caractère et des circonstances. Des le berceau, nous sommes ainsi sollicités à agir, dans un sens déterminé, bien plus qu’à n’agir pas dans le même sens. Et l’on peut dire qu’il y a autant de desseins positifs a priori que de fonctions vitales que la nature nous pousse à remplir : chercher la nourriture, le vêtement, l’abri, marcher, chanter, aimer, procréer, élever des enfants, etc. Car il est surprenant, remarquons-le, qu’on ait cru découvrir des jugements a priori et qu’on n’ait pas pris la peine de se demander s’il existe aussi des desseins a priori. L’existence de ceux-ci est pourtant bien moins conjecturale que celle de ceux-là. Notons aussi que les prétendus jugements a priori, ne seraient jamais négatifs, ce qui a lieu d’étonner. Quant aux desseins a priori, ils le sont souvent, chez l’enfant et surtout chez l’animal : ne pas manger telle plante, ne pas boire tel breuvage, ne pas aller vers ce lion ou ce serpent, ne pas tomber du nid, ne pas se laisser rouler du haut de ce rocher, etc. Il semble même, à première vue, que l’a priori ici soit plutôt négatif que positif, par la même raison que nos législations renferment plus de défenses expresses que d’ordres formels, quoiqu’elles s’adressent à des peuples bien plus volontaires que nolontaires.

  1. Voir notre Logique sociale.