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comme le fait M. Paulhan, qui me semble leur appliquer indistinctement le nom de tendances, ou bien de les lier l’une à l’autre si étroitement que l’influence de l’une d’elles sur l’autre, du désir sur la croyance, par exemple, ou de la croyance sur le désir, soit irrésistible ; et c’est une erreur non moins grande de les opposer l’une à l’autre comme si elles étaient deux contraires, ou bien, sans les opposer, de creuser entre elles un fossé si profond qu’il serait pratiquement infranchissable. Toutes ces erreurs ont été émises et accueillies, et doivent être écartées avant d’aller plus loin. Les efforts faits pour réduire à l’unité la dualité de la croyance et du désir ne sont pas sans rappeler ceux des physiciens qui se tourmentent en vain pour dissoudre le concept de masse dans celui de force motrice, la matière dans le mouvement. Il n’est pas vrai non plus que l’on croit ce qu’on désire croire : s’il en était ainsi, il y a longtemps que toute ombre de liberté politique laissée aux vaincus aurait disparu de la surface de la terre. Car cette indépendance du jugement à l’égard de la volonté, cette impuissance où est le despote de nier toujours le droit qui le gêne, est la seule garantie vraiment efficace qui reste aux gouvernés. C’est dans la dualité dont il s’agit, non dans la trop fameuse division des pouvoirs, qu’il faut chercher le fondement des libertés publiques. Qu’on n’objecte pas, en faveur de la thèse combattue, la persistance de la foi religieuse en dépit des contradictions de la science. La foi religieuse ne subsiste intacte que là où les arguments scientifiques qu’on peut invoquer contre elle sont ignorés ou incompris ; et elle ne se maintient partiellement que dans la mesure où elle paraît