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de l’amélioration profonde de la nature humaine n’est pas moins inutilement dépensé, puisque, si nous parvenions à diminuer, par exemple, les prédispositions criminelles, nous aurions raréfié dans la même proportion les caractères héroïques, et que, lorsque nous croirions avoir favorisé la propagation héréditaire de certaines vertus, nous aurions du même coup multiplié certains vices. — Mais, si le lecteur s’est donné la peine de bien entendre notre pensée, il lui sera facile d’écarter cette objection tout en admettant la possibilité de cette hypothèse. D’abord, la taille moyenne, et en général le type moyen physique ou moral, choisi pour état normal à une époque donnée, varie d’une époque à une autre, et il n’est ni sûr ni probable, surtout dans l’espèce humaine, que ses variations en un sens soient nécessairement suivies de variations compensatrices. Or, si ce point médian suit une marche irrégulière, la coordination régulière des autres points à sa droite et à sa gauche n’est qu’une illusion mathématique due au maniement des nombres, et n’empêche point une réelle progression de leur groupe en masse soit vers la droite soit vers la gauche d’un point fixe et permanent, non dans les deux sens à la fois. Puis, fût-il vrai que l’hérédité fournit continuellement à la société des tempéraments et des caractères divisés en nombres bilatéraux, distribués comme la limaille de fer autour des pôles d’un aimant, l’emploi qu’en fait la vie sociale, étouffant les uns, développant et répandant les autres par la vertu de l’imitation, n’en resterait pas moins essentiellement sélectif et diversifiant, destructeur de cette régularité qu’il utilise.