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ou, en général, des auto-combinaisons dont nous venons de parler, et l’infécondité relative et croissante de l’antipathie. Celle-ci, ferment utile de l’histoire, par les rivalités nationales qu’elle stimule, par les guerres qu’elle suscite, a surtout joué un rôle éliminateur à l’origine, puis de plus en plus destructeur. Mais la sympathie, c’est l’imitation, ouvrière paisible et continue du tissu social que les combats déchirent. Et quelle société pourrait se passer des notions du vrai et du bien dont nous avons dit la nature ?

On peut se demander si la succession des joies et des tristesses est rythmique dans le cours de la vie individuelle. Elle ne l’est que dans la mesure ou l’homme primitif, asservi encore aux conditions extérieures de sa sensibilité, s’attriste à l’hiver, se réjouit au printemps, s’épouvante le soir, se rouvre à l’espérance le matin, et, dans son cycle intérieur, reproduit ainsi le vague reflet du cycle astronomique. Mais, au fur et à mesure que l’homme se civilise, ce rythme servile s’efface peu à peu. Peut-on dire au moins que, dans la vie sociale, les joies et les tristesses se balancent et, alternativement ou simultanément, se font compensation ? Il le semble, à première vue, si l’on considère que, tout étant gain et perte, victoire et défaite, dans les affaires ou les luttes quelconques de la vie, les uns ont autant de raisons de s’attrister que les autres de se réjouir. Mais les raisons auraient beau être les mêmes, les hommes n’auraient garde d’être également sensibles aux unes et aux autres, enclins comme ils le sont à l’espérance jusque dans le fond du désespoir ; et d’ailleurs il n’est pas vrai qu’elles soient les mêmes. Dans les relations d’échange, qui empiètent toujours davantage sur les relations