de foule, par les despotes et les conquérants de génie, c’est surtout alors que s’accentuent et se produisent à la lumière de l’histoire les sentiments contradictoires dont il s’agit. Alors apparaissent, en un prodigieux agrandissement, dans les rapports du maître et des esclaves enthousiastes, les délices et les supplices compliques, combinés réciproquement, auxquelles donnent lieu les relations de deux amants dont l’un seul est épris : joie d’obéir, plaisir d’être battu, d’être humilié, volupté de l’avilissement qui boit à longs traits sa honte. Que l’on compare ces attitudes de tout un peuple à celles de la « liberté ».
Mais soyons plus précis. Plaisir de la douleur ou douleur du plaisir, cela peut signifier deux choses bien différentes : 1º la coexistence d’un plaisir et d’une douleur associés l’un à l’autre, mais ayant séparément des objets distincts (c’est l’acception habituelle et banale) ; 2º le plaisir ayant pour objet propre une douleur, ou la douleur un plaisir. C’est là le sens le plus spécial et le plus intéressant. Or, à ce point de vue, une nouvelle distinction s’impose. Mon plaisir peut avoir pour objet soit une douleur mienne (l’amour nous a fourni des exemples du fait), soit une douleur d’autrui (c’est la source des plaisirs esthétiques du drame et aussi des joies cruelles de la haine et de la vengeance) ; et une douleur peut avoir pour objet, soit mon plaisir (remords pieux des plaisirs passés), soit un plaisir d’autrui (haine et envie). Toutes les fois qu’un peuple se scinde en deux grands partis hostiles, tout ce qui réjouit l’un afflige l’autre, et s’il est vrai, comme l’affirme Sumner-Maine, que la démocratie tend à généraliser l’esprit de parti, on peut craindre qu’elle ne contribue à