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considère que deux faibles parties et on les oppose l’une à l’autre, soit parce qu’elles se repoussent et se combattent, par exemple les deux pôles d’un aimant, soit parce qu’elles sont solidaires, par exemple les deux foyers lumineux conjugués, soit simplement parce qu’elles sont les deux extrémités d’une série finie, par exemple les deux points extrêmes d’un diamètre, les deux bouts d’un bâton[1], les pieds et la tête de l’homme, le blanc et le noir dans la gamme des sensations visuelles, etc. Enfin, — et c’est ici que l’idée d’opposition provoque le plus audacieux élan, — si la série est conçue comme infinie, nous ne cessons point d’y trouver des termes contraires, et nous opposons, en mathématique comme en métaphysique, le néant à l’infini. Nous verrons s’il y a lieu d’accueillir ce vulgaire et profond contraste.

Il y a là beaucoup de fausses oppositions mêlées à des oppositions vraies. Examinons le premier sens indiqué. S’il est exact, on doit dire que je m’oppose, moi (ou n’importe quel être, atome, animalcule), à tout le reste de l’Univers, avec lequel je forme un tout, le seul tout véritable et non arbitraire, nous dit-on. Est-ce vrai ? On peut faire observer que cette sorte d’opposition est quelquefois la seule que nous fournisse un objet ; il n’arrive pas toujours qu’il s’y en ajoute une autre, celle de cet objet et d’un autre objet déterminé. L’amour, pourrait-on dire, quand il vient à saisir un homme avec force, a justement cet effet de lui créer une opposition spéciale,

  1. En ce sens, non seulement les deux extrémités d’un diamètre s’opposent entre elles, mais encore le centre peut être dit l’opposé de la circonférence, puisqu’il est l’extrémité commune à tous les rayons et que la circonférence est le groupe total de leurs autres extrémités.