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comme dans la joie, la tension artérielle peut varier indifféremment d’un excès à un autre, monter ou descendre beaucoup au-dessus ou au-dessous du niveau normal sans que ces émotions changent de nature intime. En général, les effets ou les accompagnements physiologiques des émotions opposées n’ont rien d’opposé. La colère, d’après Wundt, agit sur le foie, et la peur sur l’intestin. En quoi ces deux actions, aussi bien que ces deux organes, peuvent-elles être réputées contraires ? La douleur agit sur les glandes lacrymales, le plaisir ou la joie fait sourire. En quoi le sourire et les larmes sont-ils opposés physiologiquement ? « L’anxiété de l’attente agit sur les reins et la vessie. » Soit, mais l’attente confiante, opposé de l’attente anxieuse, par quel organe s’exprime-t-elle ? Peu nous importe au fond, au point de vue qui nous occupe. — Reconnaissons cependant que, dans l’ensemble des fonctions vitales, l’opposition des sentiments ne laisse pas de se traduire par une excitation ou une dépression des forces, et cette antithèse est surtout visible quand il s’agit des sentiments chroniques, spécialement de la tristesse et de la joie à demeure. Mais une dissymétrie d’un autre genre, tout autrement intéressante que cette symétrie, apparaît alors : l’ombre portée des émotions joyeuses et des émotions tristes, chez une même personne, se prolonge très inégalement et subit des déformations qui n’ont rien de comparable. Il est rare qu’un violent plaisir laisse en nous des traces durables, et qu’un violent chagrin n’y creuse pas un lit profond, d’une longueur mesurée à sa

    généraux, des mégalomanes qui s’attribuent toutes sortes de propriétés imaginaires pour s’expliquer à eux-mêmes des sensations internes liées normalement à la joie vraie.