exemple, ou une montagne des Alpes, peut provoquer, à un siècle de distance, le sentiment général du beau et celui du laid. Ces deux sentiments s’opposent, et il n’est pas nécessaire d’aller chercher bien loin le fondement de cette opposition, qui, comme les oppositions précédentes, consiste en ce que l’un de ces sentiments implique la négation de ce que l’autre affirme implicitement. Or il est nécessaire, sans doute, à l’origine, qu’une société organisée, pour maintenir son type organique et esthétique, sente énergiquement le laid, quand elle l’aperçoit, comme contraire au beau qui lui est propre ; mais, aussi longtemps qu’elle reste grande et forte, Athènes sous Périclès, la France sous Louis XIV, elle a les yeux presque toujours attachés sur ce beau qui la fascine et qu’elle a créé pour s’agenouiller devant lui. Les deux sentiments se développent donc dans de très inégales proportions. D’ailleurs, par l’inévitable progrès du cosmopolitisme, chacun de ces beaux nationaux, après avoir senti laids tous les beaux voisins, apprend à sentir leur beauté spéciale, à l’accueillir et s’en fleurir, et le renouveau artistique et littéraire qui sort de cet enthousiasme hospitalier est incomparablement supérieur aux antiques éruptions d’art, où le ferment de la laideur sentie de l’étranger était un élément indispensable.
Dans un autre sens, on a pu dire qu’il existe une esthétique du laid, opposée et en même temps inhérente à l’esthétique du beau. Ce serait le cas d’agiter la vieille question du réalisme et de l’idéalisme dans l’art. J’en ferai grâce à mes lecteurs. je me bornerai à dire que le véritable rôle de l’opposition en général nous est clairement révélé dans l’œuvre d’art, où, par le