politesse. Paraître humble tout en étant orgueilleux, c’est une condition presque nécessaire de la paix sociale, une hypocrisie obligatoire. L’inverse, paraître orgueilleux tout en étant humble et découragé, se voit aussi, mais seulement quand on cherche à intimider l’ennemi qu’on redoute. En temps de guerre, le plus modeste se donne des airs de jactance, comme, en temps de paix, le plus orgueilleux se donne des airs modestes. — Quoi qu’il en soit, l’orgueil est toujours un jugement porté sur notre supériorité à l’égard d’autrui, au point de vue d’une qualité corporelle ou spirituelle déterminée, et nous avons de la sorte à notre disposition autant d’orgueils de rechange qu’il y a de mérites physiques, intellectuels ou moraux. L’humilité, d’autre part, est un aveu de notre infériorité sous un rapport spécial. Mais il est à remarquer que, si la symétrie en cela paraît complète, elle n’existe que théoriquement ; en fait, le rôle individuel ou social de l’humilité est loin de faire équilibre au rôle individuel ou social de l’orgueil, force créatrice de premier ordre ; et jamais nous ne parvenons à être aussi convaincus de nos infériorités réelles que nous le sommes le plus souvent de nos supériorités, même imaginaires.
Tous les hommes en général, même et surtout les plus débiles, les plus mélancoliques, les plus dégénérés, sont portés à se croire supérieurs aux autres hommes. Cette erreur instinctive se déploie sans danger tant qu’ils restent isolés ; mais, quand la population qui s’accroît les force à se toucher, la contradiction éclate et se résout en conflits sanglants : guerres primitives, duels entre gentilshommes au XVIe siècle, etc. L’accord cependant de ces erreurs-orgueils