de vérité et de justice. Et la preuve qu’à travers ces métamorphoses le désir émancipé n’a point changé de nature, c’est que les plus nobles aspirations entrent souvent en conflit, dans notre cœur, avec les plus bas appétits de la chair, et sont tenus par eux en échec.
Mais comment s’opèrent cet affranchissement et cette ascension du désir ? Par la dialectique interne qui donne naissance à la volonté et suscite son évolution, continuellement entrecroisée avec celle du sentiment. La première volition naît, chez l’enfant qui ne parle pas encore, dès qu’il a expérimenté un vague lien de cause à effet, ou simplement de succession habituelle, entre une sensation A et une autre sensation B, par exemple entre la sensation auditive et motrice d’un cri qu’il pousse et la sensation visuelle puis tactile de sa nourrice qui approche et lui tend le sein. Il ne désire pas A, mais, comme il désire B, la représentation du rapport qui lie les deux lui fait exécuter A comme s’il le désirait. Par cet acte du vouloir, tout à fait élémentaire mais déjà distinct, le désir de l’enfant a poursuivi son objet à travers un autre objet. Il s’est médiatisé. La médiatisation du désir, c’est la volonté. Je sais bien qu’on la définit d’ordinaire autrement : on voit en elle le choix intérieur qui met fin à la concurrence de plusieurs désirs. Mais, s’il en était ainsi, désir et volonté ne feraient qu’un : il n’est pas de désir qui ne soit le triomphe d’une des nombreuses tendances organiques parmi les tendances rivales, et, quand des désirs, si élevés qu’ils soient, se combattent en nous, le survivant de leur lutte, c’est un désir encore, nullement une volition. Il y a volition quand, un désir