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d’affirmer ou de nier est reste le même au fond, constamment homogène à travers l’hétérogénéité multicolore des états de l’âme : la meilleure preuve en est que, lorsque la foi religieuse ou philosophique est contredite par une expérience, par une perception de l’ordre même le plus élémentaire, le combat s’engage entre les deux, et la question n’est plus que de savoir laquelle sera la plus forte. Ne sent-on pas clairement alors qu’il n’y a entre elles qu’une différence de degré, non de nature ?

2˚ Dans l’embranchement du désir, nous avons d’abord l’affection immédiate du plaisir et de la douleur, la distinction du caractère agréable ou pénible de la sensation. Remarquons que cette dualité du plaisir et de la douleur a pour équivalent une dualité, non moins réelle, mais bien plus inaperçue, que présente la perception. À la perception positive des ressemblances s’oppose, nous le savons, la perception négative des différences, au jugement de reconnaissance le jugement de discernement. Puis, de même que la croyance, le désir, positif ou négatif, après s’être attaché à la sensation, se prend à son image, ensuite à des idées et à de simples mots, substituts d’idées. Dans ses mobilisations successives, il parcourt, à la suite de la croyance, toute la série ascendante de ses conceptions jusqu’aux plus élevées. Il y déroule toute la gamme du sentiment, dont les tons infinis, avec leurs infinis degrés d’intensité, embrassent toutes les émotions, toutes les passions individuelles ou sociales, depuis la peur et la colère jusqu’à l’adoration et au remords, depuis l’amour sexuel jusqu’à la volupté esthétique la plus raffinée ou à la soif passionnée