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dont elles peuvent servir à éclairer la nature. Ajoutons que, parfois, dans des cas morbides auxquels on a donné le nom d’allesthésies, les sensations, d’après M. Ribot, sont localisées non à l’endroit d’où elles émanent, mais à l’endroit symétrique de l’autre côté du corps. Un malade à qui l’on chatouillait la narine droite frottait invariablement la narine gauche.


VI

Mais nous n’avons dit qu’un mot, en passant, des sensations du goût et de l’odorat ; revenons-y avant de terminer l’étude des oppositions propres aux impressions des sens. On appelle inférieurs, en général, les deux sens que je viens de nommer, et supérieurs la vue et l’ouïe, le toucher tenant le milieu et pouvant être regardé comme la source de tous les autres. Mais cette classification hiérarchique est arbitraire et profondément injuste envers les deux sens sacrifiés, à qui nous devons, en dépit de leur infériorité prétendue - comme nous allons le montrer - des notions de premier ordre. La vérité est que nos sens dits supérieurs servent de champ d’exercice à notre faculté d’affirmer et de nier bien plus qu’à celle de désirer et de repousser, que nos sens dits inférieurs, au contraire, mettent en œuvre bien plus notre désir que notre croyance, et que le toucher est, en proportions à peu près égales, un moyen de connaissance et d’appétition, de jugement et d’action. Voila la distinction vraiment fondamentale. Les formes et les couleurs, les sons, articulés ou non, nous procurent directement nos croyances les plus