Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/215

Cette page n’a pas encore été corrigée

Ce qui s’oppose de la sorte en musique, ce ne sont pas les notes isolées, mais les accords, quand les uns sont joyeux, excitants, les autres déprimants, tristes. Il est aussi des accords de couleurs qui plaisent ou qui déplaisent, qui excitent ou qui attristent, et dont le contraste à cet égard peut même se faire sentir au dynamomètre. J’en dirai autant des accords justes et dissonants, ou pour mieux dire jugés, c’est-à-dire agréables en soi, et jugés dissonants, c’est-à-dire désagréables essentiellement ; car cette appréciation, on le voit, est, dans une large mesure, affaire de mode et d’habitude. La peinture abonde en consonances et dissonances analogues. Voici une remarque que j’emprunte à Helmholtz (l’Optique et la Peinture). Soient deux couleurs complémentaires, le vert et le rouge, séparées par un millier de nuances intermédiaires. Si l’on essaie de juxtaposer au vert, successivement, chacune de ces nuances, en commençant par les plus rapprochées de cette couleur et en finissant par les plus voisines du rouge, on aura d’abord des rapprochements agréables, de véritables consonances optiques, puis de légères dissonances qui iront s’accentuant, jusqu’à un certain point, puis deviendront de moins en moins choquantes jusqu’à ce qu’elles se changent en consonances nouvelles, d’un autre genre, suivies d’autres dissonances. On aura obtenu ainsi, moyennant une série continue de juxtapositions, des alternances de plaisirs et de douleurs optiques de nature esthétique, c’est-à-dire judiciaire en grande partie, qui ne se localiseront pas de la même manière chez des individus différents, mais qui, chez tous, imprimeront un caractère de contraste dynamique aux rapprochements de nuances où ils seront localisés.