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en remontant assez haut dans la psychologie animale), par être un dessin en grisaille avant d’être une peinture, qu’à l’origine de la vision, les premiers animaux doués du sens de la vue voyaient tout nuancé de blanc et de noir, et que peu à peu les diverses couleurs sont venues s’y superposer comme un pastel sur un dessin. On a pu considérer comme un retour atavistique au premier état de la vision le cas, très rare, des achromatopsiens, daltoniens renforcés. — Si cette hypothèse était vraie, elle pourrait paraître venir à l’appui de mon idée générale. Le blanc et le noir ne sont-ils pas deux sortes de quantités qui ont l’air de se combattre ? Il le semble. D’autre part, la superposition des couleurs, si richement diversifiées, sur ce canevas, qui ne paraît servir qu’à les mettre en valeur, ne montrerait-elle pas une fois de plus la subordination de l’opposition à la variation ? Mais, hâtons-nous de le dire, rien n’est moins démontré que cette hypothèse. Elle ne repose, au fond, que sur l’évidence de la place à part qu’il convient de donner au blanc et au noir parmi toutes les affections de notre vue. Seule, la sensation de la lumière blanche, par son échelle régulière de degrés de pureté, allant du blanc au noir pur, qu’elle monte et descend presque indéfiniment sans se dénaturer, se présente comme une quantité psychologique ; et, seule, en se mêlant aux sensations des autres lumières colorées, elle introduit un élément quantitatif dans tout le champ des couleurs. Le blanc et le noir se mêlent à toutes, en effet, -sauf le cas de saturation complète - et, suivant qu’elles sont plus ou moins claires ou plus ou moins sombres, elles peuvent se comparer et s’opposer. De là le clair-obscur, qui joue un aussi grand