même, emprunte son caractère quantitatif, toujours impur et imprécis, à son mélange intime avec des quantités distinctes d’elle, mais jointes à elle parce qu’elles sont suscitées par les mêmes conditions nerveuses qui la suscitent.
Quand il s’agit de l’intensité des sensations, en tant qu’agréables ou douloureuses, cette explication se justifie sans la moindre difficulté. Elles aussi se dénaturent en augmentant ou diminuant, ce qui ne nous empêche pas de croire invinciblement à la réalité des accroissements ou des décroissements de nos plaisirs et de nos douleurs ; et nous savons ici à quoi cela tient. Tout le caractère plaisant ou pénible de nos impressions leur vient de ce qu’elles sont retenues ou repoussées par notre désir avec une force précisément égale à l’intensité que nous lui attribuons sous ce rapport. Plaisirs et douleurs sont des combinaisons d’éléments sensationnels avec notre désir positif ou négatif à doses diverses. Aussi, considérés sous leur aspect sensation, sont-ils essentiellement hétérogènes, et Bentham a-t-il donné une prise facile à la critique quand[1] il a proposé au législateur pour but d’accroître la somme des plaisirs et de diminuer celle des douleurs dans la masse de la nation. Mais, considérés sous leur aspect-désir, plaisirs et douleurs, si différents qu’ils soient, sont susceptibles de s’additionner les uns aux autres ou de se soustraire les uns des autres pour former des totaux de nature homogène et comparable, sinon pratiquement mesurable. En tant que sentis, non seulement deux plaisirs distincts, le goût d’une pêche et l’audition d’une belle musique,
- ↑ Je me permets de renvoyer sur ce point à mes Essais et Mélanges (Storck et Masson, 1895), pp. 280 et suiv.