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sur la conduite et la foi des fidèles ? Il n’est pas de culte qui ne se propose une si parfaite communion des âmes. Ajoutons que d’une religion aussi il est vrai de dire, comme d’une langue, qu’elle peut servir encore très longtemps après avoir cesse de vivre. — De même, il n’est pas de gouvernement abandonné à lui-même, monarchique, aristocratique, démocratique,’ n’importe, qui n’ait la rage de tout gouverner, de tout réglementer, de tout soumettre, jusqu’à ce que la nation ne bouge plus, comme la France à un certain moment sous Louis XIV, sous la Convention, sous Napoléon. Et c’est justement la mort politique - mort très susceptible de résurrection, du reste, comme toutes celles dont il s’agit ici.


Il y a certainement aussi une mort poétique, obtenue à grand effort, au grand contentement des versificateurs et même des poètes, par la ciselure achevée, la correction et la perfection suprêmes, le dernier fini du vers. Pareil à une nouvelle forme organique, un nouveau type de versification qui vient d’apparaître - par exemple l’hexamètre d’Homère et la strophe de Sapho, l’hendécasyllabe italien et le tercet dantesque, l’alexandrin français et le quatrain ou le sixtain à rimes croisées -éprouve d’abord de vives et piquantes difficultés à enfermer dans son genre particulier d’incarcération l’indépendance innée des mots récalcitrants, expression de sentiments multiples et d’idées variées que suscitent les spectacles de la vie. De là une lutte pleine de péripéties, et, pour le poète comme pour le lecteur, d’intérêt et d’émotion. Remarquons-le, rien n’est plus propre que cette oppression rythmique à dégager pleinement l’individualité