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aussi a ses modes différents d’acquisition de plus en plus complète, qu’elle emploie successivement ou à la fois. Elle débute par l’organisme monocellulaire où s’exprime naïvement, par la forme sphérique, omnilatéralement symétrique, son avidité infinie, son aspiration naissante à commander urbi et orbi, en même temps que ce qu’il y a d’hermétique en elle. C’est ainsi que, à peine fondée, Rome, jalousement close, rêvait l’univers. Pourquoi cette symétrie sphérique, celle, par exemple, du protococcus nivalis ? Spencer l’explique bien mal ; on ne voit point que ce végétal soit exposé à des forces incidentes égales de tous côtés. Si sa théorie était vraie, la vie aurait dû débuter ou par le défaut absolu de symétrie, ou du moins par la symétrie radiaire, puisqu’il est une distinction, celle du haut et du bas, du sol sombre et résistant et du ciel libre et lumineux (ou du milieu liquide et transparent de l’Océan), qui s’imposait à la vie des ses origines, et à laquelle la forme radiaire peut correspondre, mais non la forme sphérique. C’est que l’adaptation, à laquelle Spencer s’efforce de tout ramener, est chose secondaire, moyen et non but ; encore faudrait-il dire, pour s’exprimer avec justesse, que tout organisme s’adapte non pas à son milieu et aux circonstances, mais bien à son but spécifique ou individuel, à son rôle, à sa fonction. L’œil s’adapte à la vision et non à la lumière, comme la locomotive est adaptée à la marche du train et non au charbon de terre. Mais, même en ce sens, le terme d’adaptation exprime mal le phénomène essentiel de la vie. Comme c’est peu connaître le caractère entier, dominateur, intolérant de la vie, que de lui prêter l’humble tendance à se plier aux circonstances, à se faire toute à tous, à s’accommoder,