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d’équilibre, voilà un sens du mot sens tout à fait nouveau, et qui n’ont rien de mécanique ni de psychologique : il s’agit d’un équilibre produit par la lutte de deux forces non pas motrices, non pas mentales, mais vraiment vitales, dont l’une tend à éloigner du type et l’autre à y ramener par des directions inverses ; et il est bien entendu que ce degré d’éloignement et cette direction n’ont absolument rien de géométrique.


III

Mais pourquoi cela ? Pourquoi, au lieu d’aller en avant toujours dans un sens quelconque sous l’impulsion des circonstances, la vie

    organiques et le balancement symétrique des variations individuelles autour du type normal ? Exprimé par cette double manifestation, le besoin d’opposition inhérent à la force vitale semble bien intense, bien profond, et propre à la classer parmi les forces polaires^ malgré son penchant plus profond encore à la variation. Cette symétrique disposition n’est pas sans rappeler l’arrangement de la limaille de fer autour des pôles d’un aimant... — Si l’on n’oublie pas que l’état zéro de notre notion de l’opposition est réalisé dans le monde vivant par l’état normal, on apercevra de nombreuses et fécondes applications de l’opposition biologique. En même temps que se produisent des variations positives ou négatives autour de cet état zéro, lui-même peut varier et, dans ses variations, zig-zaguer, Weissmann a fait usage, et même un usage abusif, de l’opposition ainsi comprise. On peut lire à ce sujet un intéressant article de M. H.de Varigny, dans la Revue scientifique (30 mai 1896). Tout cet article peut servir de preuve à l’importance des idées de symétrie et d’opposition dans les conceptions des naturalistes. De la lutte entre individus on a passé à la lutte entre organes individuels, maintenant on arrive à la lutte entre éléments du germe. L’amour même est une bataille cachée, pour nos ultra-darwiniens. Décidément, dit M. de Varigny, « cela est symétrique et bien ordonné ». Et c’est avec une satisfaction toute militaire qu’il se voit conduit par ces hypothèses (toutes gratuites d’ailleurs) à voir « partout la bataille, la lutte, la destruction et la mort, partout des vainqueurs et des vaincus ! »