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tous les faits invoqués par Bichat. Il s’ensuit naturellement que la nature nous a fait un présent funeste en nous donnant par couples des organes qui, s’ils sont tant soit peu mal accouplés, et ils doivent l’être le plus souvent, donnent lieu à de si grands dangers, la folie, l’erreur des sens et du jugement, etc. Un bon cheval est bien plus facile à trouver et à conduire qu’un bon attelage. Dans un passage remarquable, le grand anatomiste paraît reconnaître implicitement cela. « Que de nuances, dit-il, dans les opérations de l’entendement ! Ces nuances ne correspondent-elles point à autant de variétés dans le rapport des forces des deux moitiés du cerveau ? Si nous pouvions loucher de cet organe comme des yeux, c’est-à-dire ne recevoir qu’avec un seul hémisphère les impressions externes, n’employer qu’un seul côté du cerveau à prendre des déterminations, à juger, nous serions maîtres alors de la justesse de nos opérations intellectuelles ; mais une semblable faculté n’existe point. » Elle existe, en réalité, mais pour les hémiplégiques seulement ; d’où il faudrait conclure qu’une demi-paralysie du cerveau est la meilleure condition hygiénique de l’intelligence.


II

Bichat est fort embarrassé pour concilier avec sa théorie la prépondérance croissante de l’un des côtés du corps, du côté droit en général, et spécialement de la main droite, à mesure que l’homme grandit et que la société avance. Il est étrange, si la vie de relations consiste en fonctions symétriques