cette remarque, que, à mesure qu’on s’élève sur l’échelle des réalités, la similitude des deux changements opposés et successifs qui constituent le rythme perd de sa netteté première ? Dans la mécanique céleste, peut-on dire, rien de plus net ; chaque demi-ellipse décrite de l’aphélie au périhélie est, sauf la dentelure des perturbations, parfaitement semblable à la demi-ellipse opposée, décrite du périhélie à l’aphélie. C’est que, comme le dit très bien M. Boutroux[1], dans la mécanique céleste « les conditions de la mécanique abstraite sont sensiblement réalisées » et que le « caractère essentiel d’un phénomène mécanique (abstraitement considéré) est la réversibilité. » Mais, ajoute-t-il (et M. Duhem dit quelque part la même chose), « dans la mécanique concrète[2], qui est déjà de la physique, puisque tout travail engendre de la chaleur, le frottement empêche la réversibilité. Or, cette différence est générale : aucun phénomène physique ne peut se reproduire d’une manière identique si l’on en change le sens. » - Retenons bien ce mot : le frottement. C’est la pierre d’achoppement de tous les mathématiciens qui ont spéculé en mécanique et en physique : toujours et partout, leurs formules élégantes sont salies et alourdies par cet obstacle. Ils sont contraints d’en faire abstraction, comme d’une impureté tout à fait accessoire et accidentelle. Mais le malheur est que cet accident, par sa constance, atteste son importance[3]. Le frottement, c’est, en tout ordre de faits,
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