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à son équateur et à ses tropiques l’inclinaison des cercles célestes. L’écliptique étant tracé et divisé en degrés, d’après le parallèle décrit par le soleil, on peut déterminer chaque jour, par un procédé purement mécanique, le degré occupé par le soleil. Enfin, en observant les levers, couchers ou culminations d’une étoile en dehors du zodiaque, et en remarquant les points de l’écliptique se trouvant alors à l’horizon ou au méridien, il était facile de tracer sur l’appareil deux grands cercles dont l’intersection donnait la position de l’étoile[1], et dès lors son observation pouvait, pour la détermination de l’heure, remplacer celle du point de l’écliptique se levant, se couchant ou culminant en même temps qu’elle.

C’est ainsi que les fondements de l’astronomie ont pu être établis, pour ainsi dire sans autre matériel qu’un appareil élémentaire donnant l’heure et permettant, en thèse générale, de résoudre mécaniquement les problèmes pour lesquels nous nous servons de la trigonométrie sphérique ; celle-ci ne vint qu’à son heure : Hipparque se trouva pour l’inventer, quand le perfectionnement des moyens d’observation rendit insuffisants les procédés primitifs.

4. Il est temps de revenir à Anaximandre pour achever d’apprécier son rôle comme savant.

J’ai mentionné son travail géographique, dont l’authenticité n’est pas douteuse ; il ne semble pas que dans cette voie, comme pour l’astronomie, il ait pu suivre des modèles étrangers ; ce travail mérite d’autant plus d’attirer l’attention. Strabon nous atteste qu’il servit de base à la première description écrite de la terre donnée cinquante ans environ plus tard par un autre Milésien, Hécatée. Si grossière qu’ait du être la mappemonde d’Anaximandre[2], comme le confirment les critiques d’Hérodote, elle n’en constitue pas moins, pour son auteur, un titre sérieux auprès de la postérité[3].

  1. Ce procédé n’est pas applicable aux étoiles circumpolaires, ou du moins il ne donne qu’un grand cercle sur lequel elles se trouvent ; ces étoiles, dont les anciens au reste se préoccupaient beaucoup moins, ont dû être placées approximativement, d’après des alignements.
  2. Ou plutôt sa planche (πίναξ). Elle représentait un disque rond, entouré par l’Océan, et où l’Asie n’était pas plus grande que l’Europe ; la Grèce (Delphes ?) devait donc en être le centre.
  3. C’est sans doute à la mappemonde d’Anaximandre et à sa détermination des dimensions de la terre que se rapporte la donnée d’où provient le texte de Suidas : καὶ ὅλως γεωμετρίας ὑποτύπωσιν ἔδειξε. Rien n’indique qu’il se soit particulièrement occupé de géométrie et il n’est besoin que de lui supposer les notions élémentaires que Thalès avait apportées en Grèce.