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mysticisme, et nous rencontrons cette singulière synonymie que Nicomaque a recueillie

Ceci ne pourrait-il pas nous faire croire que cette synonymie est apparue tout d’abord dans des hymnes analogues à ceux qui nous restent sous le nom d’Orphée, mais consacrés aux nombres de la décade ? Ne serait-elle dès lors qu’une fantaisie alexandrine ?

8. Du pythagorien Aristée de Crotone, successeur immédiat de Pythagore, suivant la tradition, Iamblique (p. 168) rapporte qu’il avait parlé de la proportion :

6 : 8 :: 9 : 12,


enseignée à Pythagore par les Babyloniens, et les Théologoumènes (VI) disent qu’il avait montré que, dans la décade, il n’est pas possible de trouver un autre nombre que 6 susceptible de tous les rapports de l’harmonie psychique, c’est-à-dire sans doute pouvant servir de point de départ à une telle proportion.

Cette citation ne pourrait avoir de valeur que si elle s’appuyait sur un témoignage traditionnel de Philolaos, auquel la connaissance de cette proportion et la désignation de l’âme comme harmonie sont au reste attribuées. Une attribution de ce genre ne peut guère être contestée, puisqu’elle se référait à un ouvrage célèbre dans l’antiquité et qui existait certainement encore au temps de Iamblique. On a de cet ouvrage de nombreux fragments, dont l’authenticité est généralement reconnue et dont plusieurs ont un caractère mystique très accusé ; mais je me borne aux citations qui concernent spécialement les nombres.

Il semble résulter du texte de Nicomaque (II, 26) que Philolaos aurait appelé le cube harmonie géométrique, parce que, dans les nombres des faces, des sommets et des arêtes de ce polyèdre, il retrouvait la proportion harmonique : 6, 8, 12.

Il est à remarquer que, d’après le commentaire inédit d’Asclépius sur Nicomaque, cette appellation du cube aurait été mentionnée par Aristote dans son traité De l’âme, tandis que dans le texte que nous possédons de ce traité, cette mention ne se retrouve pas. D’autre part, d’après le fragment 2 de Philolaos, celui-ci entendait proprement par harmonie l’octave, formée par la réunion de la syllabe (quarte) et de la δῐ' ὀξειᾶν (quinte), ce qui se retrouve bien dans la proportion harmonique ci-dessus. Ceci tend à faire penser que, s’il a défini l’âme une harmonie, il supposait quelque combinaison analogue à celle de Platon dans le Timée.