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pour l’histoire de la science hellène.

ressant de déterminer le degré d’antiquité réel et la véritable origine des spéculations sur les nombres de la décade.

Il n’est pas clair que Speusippe se soit étendu sur les propriétés spéciales des nombres autres que 10, mais il est suffisamment connu par Aristote qu’une partie au moins des pythagoriens s’attachait exclusivement aux dix premiers nombres pour développer à leur sujet des considérations d’ordre physique ou moral. Quant aux tendances proprement mystiques, leur ancienneté n’est pas aussi authentiquement assurée et l’on est généralement porté à considérer leur développement comme s’effectuant à partir de la renaissance du pythagorisme, pendant la période gréco-romaine, et sous l’influence des idées orientales.

À la vérité, Iamblique est imbu de ces idées et on en trouve des traces incontestables dans les Théologoumènes (par exemple le mot d’anges). Mais une conclusion formelle ne peut être tirée de là. La synonymie mystique, déjà complètement développée du temps de Nicomaque, a au contraire un caractère exclusivement hellène ; si lui-même est un Oriental, il paraît avoir utilisé, comme source principale et immédiate, les écrits de Moderatus de Gades, qui lui-même se rattache à l’école fondée à Rome, au premier siècle avant notre ère, par un certain Sextius (Sextus de Iamblique) et dont les disciples ont, comme leur maître, reçu la culture grecque, mais appartiennent surtout à l’Occident. C’est à cette école qu’on doit de fait la naissance du néo-pythagorisme, qui, à compter de Nicomaque, se perd dans l’éclectisme général.

Sextius a sans doute mélangé aux éléments traditionnels de nouvelles formules, mais les a empruntées directement aux stoïciens. Quant aux éléments traditionnels, Iamblique prétend qu’il les a recueillis directement (κατὰ διαδοχήν). Il faudrait admettre pour cela que, tandis que le pythagorisme proprement dit s’éteignait dans la Grèce propre, tandis qu’il ne revivait dans aucun des États fondés par les successeurs d’Alexandre, l’acousmatisme aurait obscurément persisté dans l’Italie, désormais isolée de la Grèce à la suite de la conquête romaine, et que ce serait ainsi que, la première de toutes les écoles philosophiques grecques, la secte pythagorique se trouva implantée à Rome.

Mais, quoiqu’il y ait quelques indices d’une continuation, pendant cette période obscure, des orgies pythagoriennes en Italie, quoique certains des nombreux fragments éthiques qui nous ont été conservés par Stobée sous le nom de divers pythagoriens puissent