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APPENDICE I. — THÉOPHRASTE, SUR LES SENSATIONS

la différence des formes, la grandeur déterminerait l’effet par l’apport à la balance. Quant aux corps mélangés, le plus léger est ce qui renferme le plus de vide, le plus lourd ce qui en a le moins. Du moins, c’est ce qu’il a dit pour certains corps.

62. Pour d’autres, il dit simplement que le léger, c’est le subtil. Pour le dur et le mou, c’est à peu près la même chose : car le dur, c’est le serré, le mou c’est le relâché, il y a plus et moins et tout en proportion. Cependant il y a une certaine différence dans la position et la répartition des vides entre le dur et le mou, d’une part, le lourd et le léger, de l’autre. Aussi le fer est plus dur et le plomb plus lourd ; c’est que la texture du fer est inégale, qu’il renferme des vides fréquents et considérables, tandis que par places il est très serré ; mais en somme il a plus de vides que le plomb. La texture de celui-ci est au contraire égale et uniforme partout, ce qui fait qu’il est plus mou que le fer, tout en étant plus lourd.

63. Voilà donc les déterminations relatives au lourd et au léger, au dur et au mou. Quant aux autres qualités sensibles, elles ne correspondent nullement à la nature, ce ne sont que des affections de la sensation qui change, comme dès lors la représentation (φαντασία). Ainsi il n’y a pas de froid ou de chaud par nature, il n’y a que des effets de figures se transformant et de changement survenant en nous ; car tout ce qui est en masse agit sur chacun, ce qui est dispersé dans un large espace est insensible. La preuve que tout cela n’est pas par nature, c’est que tous les animaux le ressentent différemment ; ainsi ce qui pour nous est doux sera amer pour d’autres, acide pour ceux-ci, acre ou astringent pour ceux-là, etc.

64. D’autre part, le tempérament change avec les accidents et avec l’âge, et par là il est clair que c’est la disposition qui cause la représentation. Voilà ce qu’il faut admettre en général pour les objets sensibles. — Cependant il en attribue, avec d’autres choses, les effets aux figures, sauf qu’il ne donne pas les formes pour tout ; il ne s’attache guère qu’à les déterminer pour les saveurs et les couleurs, surtout en les rapportant à la représentation pour nous.

65. Ainsi l’acide est d’après lui d’une forme anguleuse, à coudes nombreux, petit et subtil ; grâce à sa mobilité, il se répand rapidement partout, tandis que l’âpreté due aux angles contracte et resserre, en sorte que des vides se produisent et que le corps