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POUR L’HISTOIRE DE LA SCIENCE HELLÈNE.

extérieure soit aussi mince et aussi résistante que possible, que l’intérieur de l’œil soit très mou, sans chair serrée et dense, même sans liquides épais et gras, qu’enfin les veines dans les yeux soient droites et vides de façon à prendre une forme semblable à l’effigie ; car chaque chose est surtout connue par les pareilles.

51. Tout d’abord cette effigie dans l’air est une invention absurde ; car ce qui est ainsi formé par empreinte doit posséder une certaine densité et ne pas « s’émietter », comme il le dit lui-même, en comparant une telle effigie à celles que reçoit la cire. Puis il est encore plus possible que l’effigie se produise dans l’eau, d’autant que celle-ci est plus dense ; cependant, tout au contraire, on y voit moins. Et si, en général, il admet une effluve de la forme, comme quand il traite des εἵδη, pourquoi cette effigie ? Les idoles seules peuvent faire image.

52. Mais concédons-lui que l’air pressé et condensé reçoive une empreinte comme la cire, comment et de quelle façon l’image peut-elle se produire ? Il est clair que, comme partout ailleurs, l’empreinte sera de face avec l’objet. S’il en est ainsi, il est impossible qu’il y ait une image en sens contraire sans retournement de l’empreinte. Il faudrait montrer comment et par quoi cela se fait ; car autrement la vision est impossible. D’autre part, lorsqu’on voit plusieurs objets dans le même endroit, comment, dans le même air, peut-il y avoir diverses empreintes, et encore comment peut-on se voir réciproquement ? Les empreintes doivent se rencontrer l’une l’autre, chacune étant de face avec l’objet dont elle émane. Ceci mériterait une recherche.

53. En outre, pourquoi chacun ne se voit-il pas lui-même ? Ses empreintes devraient paraître sur ses propres yeux aussi bien que sur les voisins, surtout si elles sont immédiatement de face et s’il se passe la même chose que pour l’écho ; car il dit que la voix se réfléchit vers celui même qui parle. En général cette effigie dans l’air est absurde. Car il faudrait que tous les corps en produisissent avec des changements continuels, ce qui empêcherait la vision et n’est d’ailleurs pas vraisemblable. Si d’ailleurs l’effigie persiste quand les corps ne sont plus visibles ni voisins, on devrait continuer à les voir, sinon de nuit, au moins de jour. Et même il est au moins aussi vraisemblable que les empreintes persistent la nuit, où l’air est plus froid.

54. Mais peut-être le soleil fait-il image, comme s’il portait la lumière vers l’œil, à ce que Démocrite semble vouloir dire ; car