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POUR L’HISTOIRE DE LA SCIENCE HELLÈNE.

l’une et l’autre fût douée de la vue, et surtout la couleur noire, ou en général, la plus faible. C’est pour cela qu’il fait l’œil de même couleur que la nuit et qu’il prend la lumière comme cause, de l’image. Cependant nous voyons la lumière directement et sans aucune image. En second lieu le noir n’a en rien moins de lumière que le blanc. Enfin, dans les autres cas, nous voyons toujours l’image se produire sur les objets les plus nets et les plus brillants et lui-même dit que les membranes des yeux sont délicates et brillantes. Le vulgaire fait même l’œil de feu, comme si les couleurs participaient surtout de cet élément. Anaxagore a donc, comme j’ai dit, suivi là-dessus une croyance commune et ancienne ; toutefois il a exposé une opinion particulière sur la perception du grand dans les organes des sens, surtout par celui de la vue ; quant aux sensations plus grossières, il ne les a point éclaircies.

38. Clidème est le seul qui ait parlé de la vue à part ; la seule raison pour que nous percevions par nos yeux est, d’après lui, qu’ils sont diaphanes ; par les oreilles, c’est que l’air qui y arrive les met en mouvement ; par les narines, c’est que nous aspirons l’air, auquel se mêlent les odeurs ; la langue sent les sucs, le chaud et le froid, parce qu’elle est spongieuse ; le reste du corps n’a aucune autre sensation que celle du chaud, de l’humide et des contraires ; les oreilles seules ne perçoivent rien par elles-même, elles transmettent simplement à l’esprit ; Anaxagore, au contraire, fait tout remonter à l’esprit.

39. Diogène a attaché à l’air les sensations aussi bien que la vie et l’intelligence ; on pourrait donc dire qu’il les attribue au semblable (car il n’y aurait, d’après lui, ni action ni état passif, si toutes choses ne provenaient pas d’un seul principe). L’olfaction serait ainsi attachée à l’air autour de l’encéphale ; car cet air est pressé et en proportion avec l’odeur ; l’encéphale, au contraire, est relâché et distendu par de petits vaisseaux, dont la disposition n’est pas en rapport avec les odeurs et n’admet pas leur mélange ; or, il est clair que s’il y a un air dont le tempérament soit proportionné, c’est bien là ce qui sent.

40. L’audition a lieu lorsque le mouvement de l’air dans les oreilles, provoqué par celui du dehors, pénètre jusqu’à l’encéphale. La vue se produit au moyen de l’image sur la pupille ; le mélange avec l’air interne amène la sensation ; comme preuve, s’il y a inflammation des veines, il n’y a pas mélange avec l’air intérieur, et l’on ne voit plus, quoiqu’il y ait toujours image. Le goût est du