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APPENDICE I. — THÉOPHRASTE, SUR LES SENSATIONS

34. Lorsqu’il dit que les plus grands animaux sentent davantage et qu’en général la sensation suit la grandeur des organes des sens, il y a là une certaine difficulté et l’on doit se demander si les petits animaux n’ont pas au contraire plus de sensibilité que les grands ; car il semble que ne pas laisser échapper de petits objets soit le fait d’une sensation plus exacte, et en même temps il n’est pas absurde de penser que qui peut percevoir le moins puisse également percevoir le plus. D’un autre côté, il semble que, pour certaines sensations, les petits animaux soient vraiment supérieurs aux grands ; les sens de ces derniers seraient donc, par là, moins développés.

35. Si au contraire beaucoup d’objets paraissent échapper aux petits animaux, les sens des grands seraient supérieurs ; il est d’ailleurs raisonnable qu’ils l’emportent pour les sensations aussi bien que pour le tempérament de leur corps en général. Ainsi, comme on l’a dit, il peut y avoir difficulté sur le point de savoir si l’on doit s’exprimer ainsi qu’il l’a fait ; car dans un même genre la distinction n’a pas lieu suivant la grandeur, mais c’est plutôt surtout la disposition et le tempérament du corps qui importent. Quant à mettre les objets sentis en rapport avec les grandeurs, cela semble une opinion voisine de celle d’Empédocle, qui fait produire la sensation par l’adaptation aux pores. Toutefois pour l’olfaction, il y a, dans les opinions d’Anaxagore, une difficulté spéciale ; car il est dit que l’air subtil a plus d’odeur et, en même temps, il attribue l’odorat le plus fin aux animaux qui absorbent l’air dense plutôt que le dilaté.

36. Pour l’image visuelle, son opinion est une de celles qui sont généralement répandues ; le vulgaire s’explique ordinairement la vision par cette image qui se produit dans les yeux. Mais on ne réfléchit pas que les grandeurs vues ne sont pas en proportion avec les images, qu’il n’est pas possible qu’il y ait en même temps diverses images qui se contrarient, enfin que le mouvement, la distance, la grandeur sont des objets visibles, mais ne donnent pas d’image. D’ailleurs il y a des animaux chez lesquels il n’y a point d’image, comme ceux dont les yeux sont durs et ceux qui vivent dans l’eau. Bien plus, nombre d’objets inanimés devraient voir, si c’était là la raison ; car il se produit des reflets sur l’eau, le bronze et bien d’autres substances.

37. Il dit lui-même que les couleurs font image les unes sur les autres, et davantage la forte sur la faible ; il faudrait donc que