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APPENDICE I. — THÉOPHRASTE, SUR LES SENSATIONS

les sens sont en quelque sorte suspendus au cerveau dont les mouvements et déplacements peuvent les annuler, en obstruant les pores, par lesquels se produisent les sensations. Quant au toucher, il n’a point dit comment ni par quel intermédiaire il se produit.

Voilà les déterminations d’Alcméon.

27. D’après Anaxagore, la sensation a lieu par les contraires, car le semblable n’agit pas sur le semblable. Il tente de donner le détail particulier : on voit par l’image sur la pupille ; cette image ne se produit pas sur une couleur semblable, mais sur une différente. Pour la plupart des animaux, la différence a lieu pendant le jour, pour quelques-uns c’est pendant la nuit ; aussi sont-ils clairvoyants dans l’obscurité. En général, c’est plutôt la nuit qui présente la même couleur que les yeux, et l’image se produit de jour, parce que la lumière concourt à la former, et que la couleur prédominante tranche davantage sur l’autre.

28. C’est de la même manière que le toucher et le goût discernent leurs objets ; car ce qui est également chaud ou froid ne peut ni échauffer ni refroidir par son voisinage ; le doux ou l’acide ne se perçoivent pas par eux-mêmes, mais le froid par le chaud, le potable par le salé, le doux par l’acide, chacun suivant son défaut ; car tout cela préexiste en nous. De même pour l’olfaction, qui accompagne la respiration, pour l’audition dans laquelle le bruit va jusqu’à l’encéphale ; car l’os environnant est creux et le bruit y pénètre.

29. Toute sensation est accompagnée de souffrance ; ceci semble une conséquence de l’hypothèse, car le contact de tout dissemblable est pénible. Cette souffrance devient sensible par la durée ou par l’excès de la sensation, car les couleurs brillantes et les bruits excessifs sont pénibles et on ne peut pas les supporter longtemps. Les plus grands animaux ont plus de sensibilité, et en général la sensation est d’après la grandeur. Ceux qui ont des yeux grands, purs et brillants, voient les grands objets et de loin ; avec de petits yeux, c’est le contraire.

30. De même pour l’ouïe ; les grands animaux entendent les grands bruits et de loin ; les bruits moindres leur échappent ; les petits animaux entendent au contraire les petits bruits et ceux qui sont voisins. De même pour l’odorat ; l’air subtil a une odeur, car on en sent une dans l’air chauffé et raréfié. L’animal de grande taille qui respire entraîne en même temps le dilaté et le condensé,