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POUR L’HISTOIRE DE LA SCIENCE HELLÈNE.

Le plaisir et la douleur, produits de la sorte, sont des sensations ou sont accompagnés de sensations ; celles-ci ne seraient donc pas toujours produites par les semblables. — D’un autre côté, si ce sont surtout les corps de même nature qui produisent le plaisir par leur contact, comme il le dit, ce devrait être ceux qui sont incorporés ensemble qui éprouveraient le plus de plaisir ou en général sentiraient le mieux, puisqu’il attribue à la même cause la sensation et le plaisir. Cependant, bien souvent, tout en sentant, nous souffrons de la sensation même ; d’après Anaxagore, cela même arriverait toujours, car il n’y aurait pas de sensation sans souffrance.

17. Autre objection particulière : si la connaissance est produite par le semblable, quand il compose l’œil de feu et du contraire, nous pouvons bien connaître le blanc et le noir ; mais comment pourrons-nous percevoir le brun et les autres couleurs mixtes ? Ce ne sera ni par les pores du feu ni par ceux de l’eau, ni par d’autres communs à ces deux éléments, et cependant nous ne voyons pas moins ces couleurs que les autres.

18. Ce qu’il dit pour les animaux qui voient mieux les uns le jour, les autres la nuit, n’est pas moins étrange ; car le feu moindre est dissipé par le plus grand, ce qui fait que nous ne pouvons regarder en face ni le soleil ni en général le feu pur. Par conséquent, les animaux à qui il manque du feu, devraient moins bien voir le jour ; ou, si toutefois le semblable augmente l’intensité, comme il dit, tandis que le contraire fait obstacle et dissipe, on devrait toujours, qu’on ait plus ou moins de lumière, voir mieux le blanc le jour, et le noir la nuit. En tout cas, on voit toujours mieux toutes choses de jour ; il n’y a exception que pour un petit nombre d’animaux, et il est probable que leur feu propre a assez de force pour cela ; c’est comme ceux dont la superficie est lumineuse pendant la nuit.

19. Enfin, pour les yeux qui sont également tempérés, les deux éléments doivent augmenter à tour de rôle, en sorte que si l'excès de l’un empêche de voir, il ne saurait y avoir grande différence entre les vues. Mais il est difficile d’examiner tous les accidents de la vue. Quant aux autres sensations, comment percevrions-nous par le semblable ? Le semblable est indéterminé. Nous ne percevons pas le bruit par le bruit, ni l’odeur par l’odeur, ni en général l’homogène par l’homogène, mais plutôt, à vrai dire, par le contraire. Il faut, en somme, que le sens ne soit pas déjà affecté ; si nous avons du bruit dans les oreilles, une saveur dans la bouche,