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CHAPITRE XIII. — EMPÉDOCLE D'AGRIGENTE. 313

l'action de la Philotès en rejetant de plus en plus le Neikos hors de la sphère du cosmos.

Ainsi le monde est organisé par la Philotès, mais grâce à un phénomène dû au Neîkos et dont elle régularise seulement les effets, grâce au mouvement de révolution. Pour que le but final de la Philotès soit atteint, pour la reproduction du Sphéros homo- gène, il faut que ce mouvement disparaisse à son tour. Comment cela pourra-t-il avoir lieu alors que le tourbillon n'a fait que gagner en intensité? Ici nous ne pouvons guère répondre, les documents valables nous faisant défaut; toutefois, il ne convient pas de rejeter sans examen l'assertion de Clément d'Alexandrie (Strom., V, 104) et des Philosophumena (2), d'après laquelle la fin du cosmos d'Empédocle serait due à un embrasement général. L'Agrigentin semble bien avoir emprunté aux Ioniens, et en particulier à Heraclite, l'idée de la genèse et de la destruction périodique du cosmos (!) ; quoiqu'il s'éloignât de l'Éphésien, pour ainsi dire sur tous les autres points ( 2 ), ne pouvait-il pas lui emprunter aussi cette idée de l'embrasement, qui lui fournissait une solution commode d'un problème embarrassant? En supposant que l'accé- lération du mouvement diurne continuât toujours, il arrivait évidemment à imaginer à la limite des conditions essentiellement favorables à une conflagration universelle ; il pouvait d'autre part se représenter cette conflagration comme amenant brusquement le triomphe définitif de la Philotès, par le mélange et l'union intime des quatre éléments, comme épuisant en même temps leur tendance au mouvement local, puisque c'est dans le feu que cette tendance apparaît au plus haut degré.

7. Pour résumer la discussion qui précède, pour revenir à la question qui en a été l'origine, on peut dire, semble-t-il, qu'en dehors des propriétés motrices spéciales de ses deux milieux attractif et répulsif, Empédocle reconnaît, non seulement l'attrac- tion des semblables, mais encore, au moins comme puissances secondaires et dérivées, les actions mécaniques que l'on peut observer dans les mouvements de rotation et qu'on désigne sous

(*) Si la période de 30,000 saisons (v. 6) représente 10,000 ans, elle ne s'écarte guère de celle d'Heraclite, 10,800 ans.

( 2 ) Je ne veux nullement, par cette assertion, contester l'influence générale que les doctrines d'Heraclite ont pu exercer sur Empédocle et que Zeller a particulièrement bien mise en lumière (II, p. 274 suiv.). Je me place au point de vue des détails.

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