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308 pour l'histoire de la science hellène.

4. Cette difficulté écartée, nous pouvons aborder une autre question qui, malgré son importance, a généralement été négligée. Empédocle reconnait-il d'autres forces motrices en dehors de celles qui sont inhérentes à ses deux milieux, Y Amour et la Haine?

Il est tout d'abord une force qu'il admet en termes exprès sous diverses formules et qui joue un grand rôle dans sa physique particulière : c'est l'attraction du semblable pour le semblable. Il faut se garder de la confondre avec la Philotès qui nous apparaît comme produisant simplement la cohésion entre les molécules corporelles, quelle que soit leur nature, dont le rôle spécial est par suite surtout de rapprocher les éléments dissemblables et d'en former des combinaisons définies entre lesquelles peuvent s'exercer des affinités de similitude. L'action prolongée de l'Amour, secondée par ces affinités, finira par établir l'homogénéité complète. Mais l'attraction entre semblables ne perd nullement ses droits quand la Haine se substitue à l'Amour; les combinaisons sont dissociées, les éléments primordiaux se retrouvent, « le lourd d'un côté, le léger de l'autre » (v. 171), isolés dans la haine les uns des autres, mais au moins chacun réuni par l'attraction de ses parties. La dissociation ne saurait aller plus loin, ni la matière se dissiper dans l'espace infini, puisque l'infinitude est niée par Empédocle, en cela fidèle disciple de Parménide.

Ces explications me paraissent de nature à combler la « lacune frappante » que Zeller (II, p. 230) trouve dans l'exposition de la cosmogonie d'Empédocle, et qu'Aristote se croyait déjà en droit de signaler. Si en effet on les a bien comprises, on reconnaîtra faci- lement qu'il n'y a nullement correspondance, au point de vue de la possibilité de l'existence des êtres individuels, entre la période où grandit l'empire du Neîkos et celle où se développe au contraire la sphère de la Philotès.

Dans la première de ces périodes, un cosmos, un monde semblable au nôtre est absolument impossible. Le point de départ est le Sphéros homogène; tout ce que gagne le Neîkos est dissocié, résolu dans les éléments primordiaux; tout ce que conserve la Philotès reste homogène. Toute combinaison nouvelle que pourrait former le hasard entre les éléments isolés serait nécessairement instable.

Il faut que la dissolution du Sphéros soit arrivée à son plein achèvement, pour que l'Amour, qui jusque-là cherchait vainement à se concentrer dans les débris de son domaine primitif, puisse

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