Page:Tannery - Pour l’histoire de la science Hellène.djvu/319

Cette page n’a pas encore été corrigée

CHAPITRE XIII. — EMPÉDOCLE D'AGRIGENTE. 307

avec Anaxagore, une infinie variété de principes, il s'est contenté — et c'est là sa grande originalité — de choisir quatre formes types comme irréductibles entre elles. S'il divisait de la sorte l'unité pythagorienne, rien n'était dès lors plus naturel pour lui que de subdiviser également le milieu qui pénètre cette unité. Mais ici deux formes seulement, l'attractive et la répulsive, se trouvaient indiquées d'elles-mêmes, tandis que, pour les principes corporels, la distinction en quatre ressortait aussi bien des appa- rences phénoménales que des diverses tentatives dues aux physio- logues ioniens.

3. Les éléments d'Empédocle sont-ils véritablement irréductibles entre eux? Tous les témoignages de l'antiquité sont unanimes sur ce point, mais ici encore ils semblent en contradiction avec deux des vers qui ont été conservés, 90-91.

Stein a bien vu les difficultés que présente ce passage et il a soutenu que ces deux vers devaient être séparés des précédents et s'appliquer seulement à Y Amour et à la Haine. D'après cette conjecture, ces deux milieux pourraient se transformer Fun dans l'autre; les éléments corporels resteraient seuls incommutables. Mais l'examen attentif des textes où Empédocle décrit le passage de la prédominance de l'Amour à celle de la Haine ou réciproquement, n'indique nullement un changement de l'un de ces principes en l'autre; tout s'explique par un simple déplacement dans l'espace.

On peut remarquer que le vers 91 n'est nullement donné par Simplicius à cet endroit, où il a été inséré par Karsten. Mais ce dernier l'a pris dans une autre citation (v. 147-153), où il suit également le même vers et où il en précède d'autres qui doivent s'entendre spécialement des éléments corporels. Partout ailleurs, Empédocle représente ces éléments comme irréductibles ou comme perdant tout au plus leur distinction dans l'unité du Sphéros.

Si l'on compare entre eux et avec l'ensemble des autres frag- ments les deux passages qui font difficulté, il semble possible de les entendre en admettant que le poète s'y sera conformé aux habitudes du langage ordinaire; il n'y aurait donc voulu parler que des apparences, suivant lesquelles les éléments semblent se transformer l'un dans l'autre, et il aurait seulement admis que, d'après ces apparences, dans l'évolution périodique de l'univers, un élément pouvait paraître prédoniiner sur les autres. Ainsi, il vaut mieux, sur ce point, s'en tenir à l'opinion courante.

�� �