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Il ajoute, il est vrai, à cette énuméraiion de toutes les choses mélangées (gàpptÇrç à-àvTwv -/pv^aTiov), des semences (a^ép^axa) en nombre indéfini dont aucune ne ressemble à aucune autre (fr. 4). Il est clair que ces semences devaient lui servir, par leur réunion, à former des êtres présentant les qualités prédominantes dans leur ensemble, et c’est de là sans doute qu’Aristote a tiré ses explications; peut-être d’ailleurs empruntait-il à Anaxagore lui-même quelques exemples que celui-ci donnait pour faire comprendre en gros sa pensée, sans la préciser dans toute sa rigueur.

Mais lorsque le Clazoménien insiste sur ce fait qu’aucune de ces semences n’est semblable à aucune autre, il nous est impossible d’accepter sans plus les grossières images d’Aristote (la chair, les os, etc.), alors surtout que ce dernier avoue que c’est lui-même qui les choisit. Pourquoi cette différence entre les semences? C’est que précisément elles présentent, de même que les corps de la nature, toutes les variations possibles entre leurs qualités. Mais sont-elles des éléments? Non pas : elles sont décomposables au même titre que tous les corps et présentent comme eux, à divers degrés, la même union du froid et du chaud, de l’humide et du sec, du lumineux et de l’obscur, du dense et du ténu. Anaxagore, au reste, n’a pas voulu préciser le nombre des qualités élémentaires qu’il considère; il l’a laissé indéterminé, ce qu’il est vraiment.

Ce qu’il a cherché surtout à faire ressortir, c’est que dans son mélange priniitif, il fallait déjà regarder ces qualités comme mé- langées si intimement et jusque dans les plus petites particules.de la matière, que celles-ci offraient déjà les mêmes combinaisons qui se présentent dans les corps de la nature.

Par suite du mouvement imprimé par le Noos, les germes ou semences se déplacent et se réunissent à leurs similaires, en sorte que le monde s’organise ; Anaxagore s’en tient donc à une explication mécanique grossière et inadmissible, mais il insiste sur ce point que l’exclusion complète d’une qualité ne peut se faire en aucun lieu de l’univers : le feu est ce qu’il y a de plus brillant, de plus chaud, de plus sec, de plus ténu; il contiendra toujours néanmoins de l’obscur, du froid, de l’humide, du lourd; il présente donc ainsi tout ce qu’il faut pour constituer de la chair ou des os ; mais dire avec Aristote que le feu est constitué désarticules homéomëres, semblables à celles de la chair ou des os, c’est évidemment défigurer du tout au tout la pensée du Clazoménien.